lundi 31 décembre 2007

Peter Woit : Même pas pédagogue...

Je viens d'achever (enfin!) la lecture du livre "Même pas fausse" écrit par Peter Woit, un professeur de mathématique de l'université de Columbia.

Le livre, à priori fait par un vulgarisateur, dans le but de vulgariser la théorie des cordes et ses limites m'a malheureusement déçu. Voici en quelques lignes les points forts du livre, et les points qui m'ont déçu.

Autant l'avouer tout de suite, je n'ai pas du tout aimé ce livre. Je dirais même que j'ai haï certains passages, à commencer par le début où l'auteur se gargarise de sa propre compétence et de sas grandes capacités, il m'a semblé d'entrée de jeu que Monsieur Woit ne connaissait pas la modestie.

Le livre est très peu accessible aux non-initiés, notament à la théorie des groupes. De nombreuses notions sont jetées sur le tapis sans aucune explication : boson de Higgs, supersymétrie, doublets ou triplets, groupe E8...

Je me suis même demandé à un moment si ce professeur enseignait vraiment à ses élèves et si ce livre s'adressait aux non initiés, où s'il s'agissait d'une discussion entre experts...

Bref, j'ai vraiment souffert en lisant ce livre, et je pense qu'il me faudra sûrement un relecture pour l'apprécier à sa juste valeur et comprendre tous les arguments techniques qui y sont avancés.

Un autre point qui m'a profondément agacé et le rejet sans appel du travail de Igor et Grishka Bogdanov, qui sont lapidairement évoqués dans un chapître de 3 pages, présentés comme "un canular à la Sokal" (d'après le nom du physicien qui avait sousmis un article volontairement fantaisiste à la publication dans un grand journal scientifique).

Pire, l'université de Bourgogne, qui a délivré la thèse des jumeaux est taxée de laxiste, ses professeurs "d'incompétents" ! J'ai reconnu là tous les reproches caractéristiques du complexe de supériorité malheureusement si fréquent chez les américains...

Encore pire, malgré la rapidité du chapître, il arrive à livrer un nombre incommensurable d'âneries , comme par exemple : "Aucun spécialiste ne s'est risqué à soutenir les travaux des Bogdanov". Ceci est tout simplement faux. Leur directeur de thèse Moshé Flato, décédé peu avant leur thèse les à bien sûr encouragé, mais surtout leur dernier directeur de thèse, le Dr Sternheimer, directeur de recherche au CNRS, vous trouverez un article édifiant à cette adresse : http://users.skynet.be/catherinev/sternheimer.htm

Un autre aspect négatif du livre est qu'il passe presque 2/3 des pages à raconter - voire à encenser - le modèle standard des particules. Il faudra attendre autour de la page 200 pour entendre enfin parler de la théorie des cordes...

Pour terminer sur une note plus positive, voici les points positifs que j'ai trouvé à ce livre :
- Un bel historique de l'évolution de la physique du début du siècle à nos jours.
- Une longue explication du modèle standard, plus complète que dans d'autres livres
- De belles anecdotes sur les plus grands physiciens (notament Edward Witten)
- Des arguments précis contre la théorie des cordes (on va au delà du simple "elle ne fait aucune prédiction")

Je lis en ce moment "Rien ne va plus en physique", écrit par Lee Smolin, qui traite du même sujet (l'échec de la théorie des cordes). Je n'en suis qu'au début, mais il est clair que ce livre est de bien meilleure qualité. Toutes les explications sont claires, expliqués simplement et accessibles au premier venu : il identifie par exemple, dès le premier chapître, les "5 grands problèmes fondamentaux de la physique".

Je ferai prochainement un petit post sur ce livre qui m'a l'air bien plus instructif et surtout à ma portée, que le précédent. Cependant, je pense que je relirai tout de même "Même pas fausse", après celui-ci, histoire de voir si je comprends mieux les arguments de Monsieur Woit.

Pour terminer, quand Peter Woit critique les Bogdanov pour leur manque de clarté et de pédagogie, je pense qu'il ferai mieux de relire ce qu'il écrit et de penser à ceux qui ne sont pas dans sa tête. J'ai lu "Avant le Big Bang", et le livre et d'une clarté incomparable par rapport à "Même pas fausse". Il est possible que monsieur Woit ne sache pas expliquer la "vérité" clairement, mais il est certainement impossible que les Bogdanov puisse expliquer clairement quelque chose "qui n'a aucun sens" (citation de Monsieur Woit).

Sur ce, bon réveillon à tous et à très bientôt !

vendredi 7 décembre 2007

P = NP : problème ou illusion ?

D'après le livre "Les énigmes mathématiques du 3ème millénaire" (Keith Devlin), le problème P = NP serait, parmi les sept, le problème le plus accessible au commun des mortels, voire, pourquoi pas, le seul problème qu'un non spécialiste pourrait éventuellement résoudre.

Etant moi-même un éminent non-spécialiste, voici ma conception de ce problème et, si on peut dire, la réponse que je pense pouvoir y apporter. Mais avant, je vais tenter de planter le décor, que signifie P = NP ?

Théorie de la complexité

La théorie de la complexité est une méthode qui permet, quel que soit le problème que l'on ait à résoudre, de calculer le temps qu'il faudra pour trouver la ou les réponses.

Plus précisément, on ne calcule pas le temps (en secondes), car cela dépend bien-sûr de la vitesse du calculateur (ordinateur ou humain), mais plutôt le nombre d'opérations simples nécéssaires pour effectuer un calcul.

Qu'est-ce qu'une opération "simple" : en fait, cela n'a pas d'importance, on pourrait prendre n'importe quelle opération comme étant "l'unité". Prenons par exemple une des opérations les plus simples qui existe : l'addition entre deux chiffres décimaux. (nombres compris entre 0 et 9)

Soient A et B deux chiffres compris entre 0 et 9, le calcul de A+B, sans retenue, nécéssite une seule opération, donc le temps T de ce problème est de 1 : T(A+B) = 1

Si l'on souhaite maintenant calculer la somme avec la retenue, il nous faut une opération supplémentaire : T(A+B+R) = 2

Combien de temps faut-il pour calculer la somme de deux nombres décimaux composés chacuns de N chiffres ?

Soient A et B deux nombres décimaux, on note A(n) le n-ième chiffre de A et B(n) celui de B (on prendra n entre 1 et n pour simplifier les formules).

Additionner A et B revient à additionner leurs chiffres respectifs, en ajoutant la retenue précédente, on notera R(n), la retenue de l'opération A(n)+B(n)+R(n-1)

A+B = (A(1)+B(1))*10^0 + (R(1)+A(2)+B(2))*10^1 + ... + (R(n-1)+A(n)+B(n))*10^(n-1) + R(n)*10^n

Autrement dit :

A+B = Somme ((A(k+1)+B(k+1)+R(k))*10^k), pour k allant de 0 à n, avec R(0)=A(n+1)=B(n+1)=0

Comme nous sommes en base 10, l'opération 10^k revient simplement à écrire les chiffres à différents emplacements (unités, dizaines, centaines...), cette partie n'entre donc pas dans le calcul de compexité de A+B.

Pour calculer T(An+Bn), il suffit de compter le nombre d'additions entre deux chiffres, dans la formule ci-dessus : chaque étape comporte 2 additions et il y a (n+1) étapes. La première et la dernière étape, ne comptent qu'une opération, on pourra donc enlever 2 au résultat final, en résumé :

T(An+Bn) = 2*(n+1) - 2 = 2*n

Cette formule signifie que le temps de calcul de l'addition de deux nombres composés de n chiffres est proportionnel à 2 fois le nombre de chiffres.

On dira que l'addition est un calcul à temps (ou à complexité) linéaire : le temps nécéssaire au calcul est proportionnel à la quantité de données en entrée, à un facteur k près. Pour l'addition de deux nombres, nous avons k = 2.

Cet indice k, représente tout simplement le nombre d'opérations nécéssaires à ajouter, à chaque fois que l'on rajoutera une donnée en entrée dans notre calcul (ici, un chiffre de plus à A et B).

Nous allons maintenant calculer la complexité de la multiplication entre deux nombres A et B composés chacuns de n chiffres décimaux : T(An*Bn)

Calculons d'abord la complexité de l'opération T(A*B), soit le cas n = 1 :

A * B = A + A + ... + A

Nous avons ici (B-1) additions, on aurait tout aussi bien pu dire (A-1). D'où :

T(A*B) = k * T(A+B), où k est une valeur qui dépend des données A et B.

A suivre ...